Retraite : la nouvelle vie du viager

L’arrivée de fonds réunissant des assureurs et des mutualistes impulse une nouvelle dynamique au marché du viager. Longtemps considéré comme amoral, ce mécanisme est à présent perçu comme une solution crédible au problème du financement des retraites.

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Retraite : la nouvelle vie du viager

Patrimonia se déroulera les 28 et 29 septembre prochains à Lyon. À l’occasion du grand rendez-vous annuel des professionnels du patrimoine, une nouvelle offre portée par plusieurs assureurs devrait, selon nos informations, être ­dévoilée. Sa thématique : le viager. « L’idée est de permettre aux ­institutionnels assureurs en liaison avec des réseaux de distribution externe (type CGP) de ­répondre efficacement aux desi­derata de leurs clients finaux pour leur épargne », explique un connaisseur du marché. Et de préciser : « Les personnes qui le souhaitent pourront investir dans un contrat d’assurance vie en unités de comptes à ­prédominance immobilière résidentielle permettant de structurer un fonds en démembrement viager. »

Jusqu’ici peu abordé dans le monde de l’assurance, ce mécanisme qui consiste à céder son logement en échange d’un droit d’occupation à vie et d’une somme d’argent connaît depuis quelques années une nouvelle jeunesse. En 2012, l’Union mutualiste retraite (UMR) avait ouvert la voie en créant Coremimmo. Cinq ans plus tard, plus d’une dizaine d’acteurs du secteur lui ont emboîté le pas, en particulier via des fonds dédiés.

Comment ça marche ?

Le viager occupé est un contrat conclu entre un vendeur propriétaire d’un bien immobilier qui restera dans son logement jusqu’à son décès, et un acheteur qui en acquiert la nue-propriété lors de la signature. Les deux parties s’accordent sur un capital initial (appelée le bouquet) versé au vendeur, puis sur une rente viagère que ce dernier percevra périodiquement jusqu’à sa mort. Dans le cadre du viager mutualisé, le cédant ne vend pas son logement à un particulier mais à un fonds, dont l’objectif n’est pas à terme d’habiter le logement, mais de revendre celui-ci lors du décès du vendeur, avec une plus-value potentielle. À noter qu’il n’y pas de limite d’âge (ni d’âge minimum requis) pour vendre son bien en viager.

Et la tendance n’est pas prête de s’inverser. « Au cours des derniers mois, tous les grands noms du monde de l’assurance nous ont demandé des études de faisabilité sur le viager », indique Éric Guillaume, président-fondateur de Virage Viager, cabinet de structuration et d’ingénierie ­financière, à l’origine notamment de Coremimmo. De fait, alors que son entreprise, créée en 2010, étudiait en moyenne un dossier de levée de fonds par mois, elle en reçoit aujourd’hui deux par semaine.

Un marché atone

Pourtant, le viager n’a jamais vraiment décollé. Chaque année, 4 000 à 6 000 ventes sont enregistrées en moyenne, soit moins de 1 % des transactions immobilières réalisées sur le territoire. « Le marché traditionnel historique du viager en gré à gré entre particuliers est complètement flat », observe Éric Guillaume, avant de préciser que le « risque de longévité rebute beaucoup d’investisseurs potentiels. »

Jugé morbide – l’acquéreur doit attendre le décès du vendeur pour récupérer son bien –, le viager « classique » ne séduit pas vraiment les Français. « Ceux qui ont des enfants ont peur de brader leur actif immobilier au travers d’une vente en viager », remarque Thomas Abinal, cofondateur de Monetivia, société spécialisée en immobilier et en gestion de patrimoine. « Les Français ont été élevés dans l’idée de “je construis un patrimoine que je transmettrai à ma mort ”. C’est donc difficile pour eux d’accepter de revendre ce bien de leur vivant », ajoute Paul Le ­Bihan, directeur général de l’UMR.

Reste que le contexte démographique pourrait changer la donne. Depuis 2015, et pour la première fois dans l’Hexagone, le nombre de personnes de plus de 60 ans a dépassé celui des moins de 20 ans. Par ailleurs, la France devrait compter 20 millions de retraités en 2030, soit 4 millions de plus qu’aujourd’hui. Or, ce vieillissement de la population devrait peser de plus en plus sur le système de retraite par ­répartition. Et les conséquences sont déjà visibles. Selon le rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) approuvé le 20 juin dernier, le niveau de vie moyen des retraités comparé à celui du reste de la population pourrait diminuer pour la première fois vers 2020. « Beaucoup de seniors ont des revenus qui chutent lourde­ment au moment de leur retraite. Or, ces personnes sont souvent propriétaires de leur loge­ment et souhaitent y rester. Elles disposent donc d’un patrimoine relativement élevé, mais extrêmement peu liquide pour faire face à leurs besoins », remarque Alain Burtin, directeur des marchés et du développement produit chez Allianz France.

Un marché de niche à fort potentiel

  • Entre 4 000 et 6 000 Le nombre annuel moyen de ventes réalisées en viager en France. Soit moins de 1 % des transactions immobilières réalisées chaque année dans l’Hexagone.
  • 72,6 % La part des personnes âgées de plus de 70 ans propriétaires de leur résidence principale en France.
  • 6 619 Md€ Le montant estimé du patrimoine immobilier en France, soit près de deux tiers des richesses détenus par les Français. À titre de comparaison, l’assurance vie représentait environ 1 600 Md€ d’encours en 2016.
    Sources : Insee, Ponts et Chaussées.

Un fonds de pension individuel

Précisément, selon l’Insee, 72,6 % des personnes âgées de plus de 70 ans sont propriétaires de leur résidence principale en France. « C’est en quelque sorte leur fonds de pension individuel », indique Marc Bertrand, président de la Française REM, société qui gère le fonds Certivia. Face à l’enjeu sociétal majeur que ­représente aujourd’hui le bien vieillir, les retraités devraient donc percevoir dorénavant le ­viager comme une source pour compenser la perte de leurs revenus. « Cette solution doit aussi permettre de faire face aux dépenses liées aux prestations de services en cas de dépendance », explique Paul Le Bihan, de l’UMR.

Ce nouveau discours semble faire écho auprès des personnes âgées. « Nous avons écrit à une partie de nos affiliés pour tester leur appétence au viager. Résultat, nous avons eu 4 % de retours de personnes qui nous demandaient de la documentation supplémentaire sur ce dispositif », indique Christian Carrega, directeur ­général de Préfon, sachant qu’un bon mailing affiche en moyenne un taux de retour de 2 %.

Mais si le concept du viager intéres­se de nouveau, c’est aussi parce que sa formule a évolué. Avec l’arrivée d’assureurs et de mutualistes dans le jeu, fini en effet les transactions exclusives entre particuliers. « Alors que la dimension affective peut rendre la transaction complexe dans une vente de gré à gré, la relation est beaucoup plus professionnelle lorsqu’un vendeur a face à lui un institutionnel », observe Paul Le­ Bihan. De nombreux fonds ont, en outre, rompu avec le modèle « bouquet + rente » du viager traditionnel, privilégiant le versement d’un capital plus important lors de la signature. « Quand un institutionnel prend un bien en viager, le vendeur anticipe un paiement sans risque. Il y a une garantie plus forte de solva­bilité », affirme Christian Carrega.

Persuadé du succès de ce nouveau modèle, Préfon met depuis quelques mois à disposition de ses clients et prospects, les ­services de Virage Viager, via la plateforme digitale et téléphonique de CNP Assurances, Lyfe. En attendant mieux. « Nous allons pousser pour que les assureurs montent un fonds autour du viager. Mais pour les convaincre, il faudra leur prouver que cette solution apporte du rendement », explique Christian Carrega.

Éric Guillaume, président fondateur de Virage Viager
« Un placement éthique, plus performant que les obligations »

  • Pourquoi y-a-t-il un intérêt soudain du monde de l’assurance pour le viager ?
    Le viager est un produit qui « matche » parfaitement avec les politiques d’investissement des compagnies d’assurance. C’est un placement de long terme, en moyenne entre 12 et 15 ans. Il participe au maintien à domicile des seniors, c’est donc un placement éthique qui rentre dans une logique d’investissement socialement responsable (ISR). Enfin, en termes de rendement, c’est un produit qui est plus performant aujourd’hui que les obligations, les fonds de démembrement en viager dégageant en moyenne entre 4 et 5 % de rendement net.
  • Quels sont les écueils encore rencontrés ?
    Ce produit reste un sous-jacent immobilier. De fait, même si la valeur du bien acquis en viager est décotée, un krach sur le marché immobilier pourrait être néfaste pour les investisseurs. À mon sens, toutes les autres résistances du marché – à savoir les problèmes d’image pour l’assureur ou encore les provisions pour risques de rente – ont été écartées avec la solution de viager mutualisé du fait d’un paiement immédiat en capital sans rente, donc moins morbide. De fait, le seul problème que nous rencontrons aujourd’hui, c’est que nous avons beaucoup de biens à vendre et pas encore assez de fonds, mais la tendance risque de s’inverser rapidement !

Une sélection de biens de plus en plus pointue

En l’occurrence, cet objectif est clairement celui partagé par les acteurs déjà engagés dans le viager. « Même si l’enveloppe allouée à ce fonds (NDLR : 40 M€) est modeste par rapport à l’ensemble de nos actifs gérés (NDLR : 8,6 Md€), nous considérons que cet investissement doit néanmoins délivrer une certaine performance », souligne Paul Le Bihan. Afin d’accroître ses chances de plus-value lors de la revente des biens, l’UMR est devenue plus sélective par rapport aux logements qu’elle cherche à acquérir. Dans le même sens, Certivia privilégie l’achat d’appartements ou maisons situés en région parisienne, Paca et dans les grandes métropoles.

« Dans la mesure où le viager mutualisé répond à un besoin sociétal, il s’agit aussi d’une opportunité unique de conjuguer un engagement responsable et un investissement rentable », selon Loredana Maïer, directrice générale de l’Union nationale mutualiste interprofessionnelle (UNMI). Lancé en juin 2016, le fonds de l’UNMI fait en tout cas déjà recette. « Le taux de rentabilité interne (NDLR : TRI) de cet investissement est évalué entre 3,5 % et 5,5 % par an », précise la directrice générale. Autant dire qu’avec de tels arguments, le ­viager a un bel avenir devant lui.

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